Dans le cadre du marché conclu avec un voiturier spécialisé dans le transport exceptionnel la société EDF a, pour le compte de sa filiale ERDF, adressé à son co-contractant en juin 2010 une commande transport portant sur l’expédition par la voie routière d’un transformateur au départ d’un site de l’entreprise à Lyon et à destination du chantier de construction d’un nouveau poste ERDF à proximité de Nantes.
Compte tenu des dimensions du transformateur (4, 964 m de long, 2, 93 m de large) d’un poids de 45 tonnes, il est prévu que l’acheminement soit exécuté sous le régime du transport exceptionnel.
Le transformateur est pris en charge le 23 juin 2010 à Lyon sur une remorque surbaissée par un chauffeur du transporteur.
La hauteur de l’ensemble une fois chargé sur la remorque est de 5, 17 m.
Le vendredi 25 juin 2010 vers 9h le semi-remorque précédé d’une voiture d’escorte, omet de suivre l’itinéraire imposé par les autorités pour éviter les ouvrages d’art et reste sur une départementale contournant un village.
Il heurte un pont de 4, 60 m de haut.
Sous l’effet du choc quatre bornes haute tension du transformateur sont cassées.
EDF, demande au transporteur retourner le transformateur à son point de départ en vue de sa réparation.
Une expertise amiable et contradictoire est organisée à la requête des assureurs de la marchandise au retour de la machine à Lyon.
EDF adresse une lettre de réserves au transporteur.
Au cours l’expertise amiable effectué par l’expert d’assurance, le chauffeur du transporteur a reconnu avoir été distrait et avoir oublié de suivre l’itinéraire préparé par l’administration.
Le pilote de la voiture d’escorte, censé contrôler l’itinéraire, a également laissé le chauffeur de la semi-remorque s’engager sous le pont litigieux.
Les assureurs et ERDF ont donc engagé une action contre le transporteur qui refuse de régler l’intégralité des dommages matériels et immatériels résultant du sinistre et invoque le bénéfice la limitation de responsabilité du contrat-type applicable (transport d’objets indivisibles en transport exceptionnel publié par décret n°2000-528 du 16 juin 2000).
Le Tribunal de Commerce de Paris fait droit au moyen du transporteur et considère que celui-ci n’a pas commis de faute inexcusable, ce qui lui permet d’opposer la limitation du contrat-type.
Devant la Cour d’Appel de Paris les assureurs et ERDF reprennent la même argumentation en soutenant que le chauffeur du transporteur qui aurait dû reconnaître l’itinéraire conformément aux obligations imposées par l’autorisation de transport exceptionnel délivrée par DDE, a fait preuve d’une très grande légèreté et d’une inconscience qui confine au dol (et ce d’autant plus que le coût du transport était considérable).
Le 22 janvier 2015 le Pôle 5 de la Cour d’Appel qui est saisi du dossier, avait rendu un des premiers arrêts en matière de transport routier et de faute inexcusable.
La Cour considérait alors au terme d’une motivation dense et serrée que le transporteur qui s’est garé avec son véhicule dans un lieu public non clôturé, non gardienné et dans une zone sensible avec un véhicule simplement bâché non muni de système antivol a commis une faute inexcusable au sens de l’article L 133-8 du Code de Commerce (alors même qu’il n’était pas chargé de marchandises sensibles).
Contre toute attente quelques mois plus tard, la même chambre décide dans son arrêt du 2 juillet 2015 de confirmer le jugement de première instance, et déclare que le transporteur n’a pas commis de faute inexcusable, alors que celle-ci semblait patente au regard des éléments factuels du dossier.
Contrairement à l’arrêt précédent de janvier 2015, la motivation de la décision est minimaliste et indigente.
Les assureurs et ERDF ont donc décidé de déposer un pourvoi en Cassation.
le cabinet JEANNIN mettra l’arrêt de la Cour de Cassation à disposition sur son site dès qu’il aura été rendu.